Err

Votre panier : 0,00 EUR
Bienvenue sur le site des éditions Clovis, votre librairie catholique.
Recevez notre lettre d'informations.

FIDELITER n° 249 - Conseils d'un ange gardien à un malade (par un religieux)

Cher Pierre, rien n’est plus dramatique que la maladie quand elle est rejetée ou subie à contrecœur. C’est malheureusement ce qui se voit trop souvent aujourd’hui où la foi se perd, et avec elle l’espérance et la charité. Comment s’en étonner, puisque seules ces trois vertus sont capables de transfigurer la souffrance, en la rendant source de grâce, de gloire et de bonheur ?

Je sais combien tu souffres toi-même, plongé dans la maladie depuis maintenant bien des années. Dieu, dans sa providence, a permis cette épreuve, qui doit se dénouer par une mort certaine, comme tu en es conscient. À tes souffrances physiques viennent s’ajouter des souffrances morales de toutes sortes qui tourmentent ton âme de façon régulière et quasi continuelle. Permets-moi donc de t’adresser ces paroles de consolation et d’encouragement qui, je l’espère, adouciront tes peines et t’aideront à en tirer profit.

Un regard de foi sur le crucifix

Le grand conseil que je veux te donner, celui qui contient tous les autres, celui que je te supplie de mettre fidèlement en pratique, le voici : garde sans cesse les yeux de ton âme fixés sur le crucifix. « Oh ! Que ce regard est précieux et salutaire, disait la bienheureuse Angèle de Foligno. Je vous conjure de ne plus détourner vos yeux de ce Dieu souffrant et mourant, parce que rien n’est plus propre à éclairer votre esprit et à rendre votre dévotion brûlante. Que si vos yeux s’égarent, ramenez-les sur ce divin objet et ne leur permettez plus de le quitter ». Voilà en effet ce que faisaient les saints, et ce sera pour toi aussi le moyen le plus efficace de te sanctifier dans la maladie.

Je voudrais, pour t’y encourager, te raconter ce bel épisode de la vie de « Maman Marguerite », la pieuse mère de saint Jean Bosco. Elle assistait son fils, comme tu le sais, avec beaucoup de générosité. Les enfants pauvres dont il s’occupait étaient nombreux et il ne pouvait suffire à tous. Aussi « Maman Marguerite » remplissait-elle les tâches matérielles telles que le jardin, la cuisine, la lingerie, afin de le soulager de ces charges. Mais cela n’était pas toujours facile, d’autant plus que les garçons ne prenaient pas grand soin de ce qui était mis à leur disposition. Un jour, c’était une assiette cassée ; un autre jour, un drap déchiré. Bref ! De quoi lasser la patience d’un ange !

Une fois, ce fut la goutte qui fit déborder le vase. Les enfants jouant à la guerre au cours d’une récréation, ne firent pas attention qu’ils piétinaient tout bonnement le potager de « Maman Marguerite ». Celle-ci, n’y tenant plus, alla trouver son fils pour lui dire qu’elle était à bout de force et qu’il fallait qu’elle s’en aille : la croix était trop lourde ! Saint Jean Bosco ne lui répondit rien ; il garda le silence. Mais avec beaucoup de douceur, il lui montra le crucifix. Il n’en fallut pas plus. À la vue de ce Dieu d’amour, souffrant et mourant pour notre salut, la vaillante chrétienne retrouva la paix qu’elle avait perdue. Elle répondit simplement à son fils : « Tu as raison. » Et elle repartit avec courage à son travail.

Vois-tu, Pierre, la source de toute grâce, c’est Jésus crucifié. Heureuse l’âme qui ne le perd jamais de vue, car la grâce ne lui fera jamais défaut. N’entends-tu pas la voix de la divine victime qui crie à tous les malades de l’univers : « Venez à moi, vous tous qui souffrez, et je vous soulagerai ! Prenez sur vous mon joug, et apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour vos âmes. Car mon joug est doux et mon fardeau léger » (Mt 9, 28-30) ? Oui, vraiment, quand une âme est tout orientée par un regard de foi vers le crucifix, alors sa souffrance devient pour elle un trésor. L’espérance et la charité qui grandissent en elle la lui rendent supportable et même légère, comme je vais te le montrer.

L’espérance

Tout d’abord, il faut remarquer que Dieu se sert souvent de la maladie pour rappeler aux hommes qu’ils n’ont pas sur la terre de cité permanente, et qu’ils doivent se considérer comme des pèlerins et des étrangers en ce monde. Leur patrie, c’est le Ciel ! En te privant, Pierre, de bon nombre de biens terrestres, la maladie te détache de ce qui passe pour t’orienter vers les biens célestes, qui dureront éternellement. N’ayant plus de grandes espérances pour la vie d’ici-bas, tu aspireras plus facilement vers le bonheur du Ciel que t’a mérité le Christ en croix. Ne te rappelles-tu pas comment l’infirmité a eu un rôle déterminant dans la conversion d’un saint François d’Assise ou d’un saint Ignace de Loyola ? C’est elle qui leur a donné l’occasion de se tourner vers le Christ et de grandir dans l’espérance.

Cette vertu persuade à l’âme que ce qu’elle souffre n’est pas inutile, loin de là. Ces douleurs extérieures et intérieures qu’elle endure, unies à celles du Sauveur, acquièrent une vertu toute particulière pour la purifier et la sanctifier. Par elles, elle sait qu’elle expie ses fautes passées plus efficacement qu’en purgatoire, et qu’elle grandit dans la perfection par l’exercice de la patience ; car la croix est l’instrument dont l’artiste divin se sert pour réaliser ses plus beaux chefs-d’œuvre. Elle ne craint d’ailleurs pas d’être écrasée par la souffrance : si en effet, elle connaît sa faiblesse, elle sait aussi qu’il y en a un autre qui souffre avec elle et en elle, et avec l’Apôtre, elle s’écrit : « Quand je suis faible, c’est alors que je suis forte » et « Je puis tout en celui qui me fortifie ! » Elle n’oublie pas également qu’au Ciel une plus grande gloire l’attend, en récompense de sa fidélité à embrasser la croix. Si elle doit abandonner bientôt sa famille et tous ceux qu’elle aime, elle croit fermement que Dieu, lui, ne les abandonnera pas. Auprès de son trône, elle priera pour eux en attendant de les retrouver pour ne plus jamais en être séparée.

Une autre pensée qui la console et la soutient, c’est que ses sacrifices, unis à celui du Christ, incessamment renouvelé sur les autels, peuvent ouvrir à de nombreuses âmes du purgatoire les portes du Ciel, et obtenir à de nombreux pécheurs la grâce de la conversion. Pense, Pierre, à toutes ces personnes, surtout celles de ta famille, qui peuvent profiter de la maladie dont tu souffres. Sans quitter ton lit de douleur, te voilà apôtre et missionnaire ! Beaucoup s’imaginent pouvoir convertir le monde par leur action, ou même par leur prière ; mais ils n’arrivent qu’à de piètres résultats, parce qu’ils négligent d’y ajouter le sacrifice. Mais toi, tu peux y suppléer efficacement en offrant tes douleurs. C’est par ses souffrances et par sa mort que Jésus-Christ a mérité le salut des âmes, et ceux-là seuls sont vraiment apôtres qui se conforment à sa passion.

Tu as certainement entendu parler du père Maximilien Kolbe. Ce franciscain polonais, très zélé pour répandre partout le culte de la très sainte Vierge, fonda dans son pays un immense couvent où des centaines de religieux s’activaient pour travailler à la publication de plusieurs périodiques destinés à faire connaître et aimer davantage la Reine du Ciel. Un jour, une personne vint visiter les lieux. Le père Maximilien l’accompagna lui-même à travers tous les services. Vers la fin de la visite, il s’adressa à son hôte en lui disant : « Et maintenant, nous allons là où l’on travaille plus qu’ailleurs, et où l’on gagne énormément ! » Le visiteur, très intrigué, suivit le Père. Quel ne fut pas son étonnement en franchissant le seuil de l’hôpital, tandis que le Père ajoutait : « Les frères malades et contraints à l’inactivité dans leur lit sont pour nous les plus utiles, parce que leur souffrance attire les plus grandes bénédictions de Dieu sur la Cité de l’Immaculée [c’était le nom du couvent] et sur son apostolat. »

Voilà, Pierre, ce dont les saints étaient persuadés ; et où crois-tu qu’ils l’ont appris, sinon dans la contemplation du crucifix ?

La charité

Après l’espérance, venons-en à la charité. Comme tu le sais, cette vertu est la plus importante des trois vertus théologales, et elle peut apporter beaucoup de secours dans la maladie. En fixant le plus constamment possible les yeux de ton âme sur Jésus crucifié, ton amour pour lui grandira de jour en jour, et tu ressentiras un désir toujours plus ardent de t’unir à lui et de partager ses souffrances. La charité, plus encore que l’espérance, réalise en effet ce tour de force de rendre la croix non seulement supportable, mais même aimable. Quel mystère ! « Expertus potest credere, celui qui l’a expérimenté peut le croire ! » Les saints, en qui la charité était très vive, nous le révèlent mieux que personne.

Citons Padre Pio. Comment expliquer qu’il ait pu supporter les immenses tourments dont son âme et son corps furent le théâtre pendant de longues années, sinon par l’ardente charité dont son cœur était consumé ? Mais cette charité, Pierre, il l’avait puisée en particulier dans la contemplation assidue du crucifix. Voici, en effet, un beau témoignage d’un de ses compagnons de noviciat, qui l’avait côtoyé dans les débuts de sa vie religieuse : « Il se réjouissait, nous dit-il, à chaque fois qu’il lui fallait souffrir quelque chose, car il avait toujours devant les yeux et dans son cœur, l’image de Jésus crucifié. » Tout embrasé d’amour pour ce divin Sauveur, il aspirait à unir ses souffrances aux siennes, et il ne trouvait de repos que sur la Croix. Il savait aussi que rien n’est plus efficace, pour entretenir dans l’âme le feu de la charité, que le bois de la croix : « L’amour, disait-il, qui n’est pas nourri de la croix, n’est qu’un feu de paille. » L’ascension mystique de ce prêtre modèle, jusqu’à sa stigmatisation, se fit à travers une très pénible maladie dont les médecins ignoraient la cause, et qu’il supporta pendant une dizaine d’années avec amour.

L’effet principal de la charité est d’unir et de conformer notre volonté à celle de Dieu. Lorsque la souffrance t’oppresse, Pierre, redis au moins du bout des lèvres, la belle prière de Notre-Seigneur au Jardin des Oliviers : « Père, si ce Calice ne peut s’éloigner de moi, que votre volonté soit faite. » Écoute encore, je te prie, ce bel épisode de la vie de saint François d’Assise. Alors qu’il était atteint d’une maladie très douloureuse, qui ne lui permettait pas le moindre mouvement, un frère s’adressa à lui en ces termes : « Frère François, prie le Seigneur d’être plus doux pour toi, car il appesantit vraiment trop sa main sur toi ! » À ces mots, le saint poussa un gémissement et dit : « Si je ne connaissais la pureté de ton intention et ta simplicité, ta compagnie me deviendrait odieuse, car tu as eu l’audace de blâmer la conduite de Dieu à mon égard. » Et, bien qu’exténué par sa maladie, il se jeta par terre pour cogner le col de son corps décharné ; puis, baisant la terre : « Je vous rends grâce, Seigneur Dieu, dit-il, pour toutes mes souffrances, et je vous prie de m’en envoyer cent fois plus si tel est votre bon plaisir… car dans l’accomplissement de votre sainte volonté, je ruisselle de joie. »

Peut-être me diras-tu, Pierre, que ce sont là des géants, qu’il est impossible d’imiter. Pourtant, ne remarque-t-on pas la même chose chez les petites âmes ? Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus était bien souffrante, dans les derniers jours de sa vie. Crucifiée dans sa chair et dans son âme au plus haut point, elle redisait à Dieu son amour, et dans le poème qu’elle écrivit à la très sainte Vierge sur son lit de douleur, elle a ces belles paroles, qui nous révèlent sa propre expérience : « Souffrir en aimant, c’est le plus pur bonheur ! » N’est-ce pas aussi la même pensée qu’exprimait la petite Anne de Guigné, quand elle disait dans son langage enfantin : « Il y a beaucoup de joies ici-bas, mais elles ne durent pas. Ce qui dure c’est d’avoir fait un sacrifice. »

Embrasser la croix

Ces beaux exemples te montrent comment la charité sanctifie la maladie et la rend plus légère. Ils te montrent aussi comment Dieu se sert de la Croix pour amener les âmes généreuses au plus haut degré de la sainteté. Ne pense donc pas que l’infirmité soit une déchéance ou un malheur. Elle ne le devient que lorsqu’elle est portée à contrecœur, sans esprit de foi, sans espérance et sans amour. Mais si elle rencontre une âme embrasée de charité, alors elle la fait grandir bien vite en sainteté et sauver avec elle de nombreuses autres âmes.

En résumé, Pierre, je voudrais que tu retiennes ces paroles d’un capucin du siècle dernier, le père Jacques de Ghazir, qui avait secouru bien des malades au cours de sa vie : « La Croix la plus lourde disait-il, c’est d’avoir peur de la Croix. Au lieu de vous tordre le cœur, amarrez votre cœur à la Croix ! » Voilà aussi le conseil que je te donne. Il est certes plus facile à exprimer qu’à mettre en pratique, mais si tu es fidèle à contempler le crucifix, et à lui dire souvent ton amour, par des oraisons jaculatoires, tu y parviendras certainement. D’ailleurs la très sainte Vierge t’y aidera. Elle est en effet, selon l’heureuse expression de saint Louis-Marie Grignion de Montfort, la « confiture des croix ». Elle saura te rendre plus douces la maladie et les douleurs dont tu souffres. Son cœur immaculé sera ton refuge et le chemin qui te mènera jusqu’à Dieu !


Par un religieux (FIDELITER n° 249, dossier : Quand la maladie survient)